Le sixième roman de Pascal Herlem “Fatum” vient d’être interdit à la vente. Une ordonnance du tribunal contraint la maison d’édition, Bouquins, à suspendre la mise en vente.
Un roman sur l’inceste
Dans ce roman, Pascal Herlem évoque des relations incestueuses. Mais selon l’ordonnance du Tribunal de Paris, émise le 09 août 2021, il est « fait interdiction aux Éditions Bouquins ainsi qu’à tout ayant droit de diffuser, de commercialiser et de promouvoir le roman Fatum de Pascal Herlem. Sous astreinte d’une pénalité par manquement constaté à compter de la signification de la présente ordonnance, l’astreinte courant sur un délai de trois mois ».
Même les médias ne peuvent publier de chroniques sous peine d’infliger à l’éditeur une amende de 500€.
“Fatum” c’est la poursuite d’une œuvre commencée en 2015, le premier roman “Françoise” évoquait la soeur de l’auteur/narrateur.
Le livre est suivi par “Limoges” en 2017, on y suit la propre enfance de l’auteur/narrateur.
Selon les données d’Edistat, ces ouvrages n’ont pas rencontré leur public, ils se sont vendus à 939 et 1490 exemplaires.
Un livre psychanalytique
Ce nouveau roman devait évoquer la vie du frère: « Didier est fasciné par sa sœur aînée Françoise, dont l’extravagance sature le cocon familial. Ses crises de folie, ses jeux malsains et ses accès de démence se multiplient, et Didier devient la victime de ses délires glaçants. »
On peut y lire: « Leur relation fraternelle était devenue étroite, une sorte de petite folie à deux, assez discrète pour ne pas attirer l’attention d’un parent, pour durer, donc. »
Ou encore : « Le bain avait lieu une fois par semaine au moins, pendant des années, le temps pour Didier d’entrer en connivence particulière, en intelligence profonde et durable avec sa sœur de sept ans son aînée à l’influence confirmée, de s’imprégner de l’amour passionnel sous l’emprise duquel il se trouvait. »
Pour la cour, il en va autrement.
« Sont relatés les faits d’attouchements sexuels dont Didier Herlem a été la victime de la part de sa grande soeur, Françoise Herlem, lors de son enfance, le résultat traumatique de ces attouchements sur sa vie d’enfant, les autres atteintes sexuelles, agressions et/ou viols dont il aurait été victime par la suite entre son enfance et son adolescence », note le jugement.
C’est l’ex-femme du frère de l’auteur et ses enfants qui ont saisi la justice, considérant que le livre portait atteinte à l’intimité de leur vie privée.
Aucune procédure n’a pourtant été entamée à la parution des livres précédents.
C’est en l’absence de la partie adverse que les avocats des plaignants ont été entendus, l’accusé n’a pris connaissance que trop tard de l’assignation, ni l’auteur ni l’éditeur n’étaient présents.
« Il est également établi une atteinte vraisemblable à la vie privée des demandeurs à titre personnel, en ce que chacun d’eux est dépeint dans son histoire et ses interactions plus ou moins conflictuelles ou douloureuses avec les autres membres de la famille », peut-on lire.
Le roman « psychanalytique » n’a pas été retenu, la cour aboutit à une triple interdiction: diffusion, commercialisation et promotion, il est « vraisemblable qu’il existe des liens étroits entre les personnages de l’ouvrage Fatum avec la réalité de la vie des demandeurs ».
« Le dommage imminent qu’entraînerait la diffusion et la commercialisation de l’ouvrage […] est donc caractérisé […]. S’agissant de la divulgation des détails les plus intimes de la vie des demandeurs, un tel dommage serait irréparable et justifie qu’il soit fait droit à la demande d’interdiction sous astreinte qu’ils ont formée. »
L’auteur et l’éditeur, La SAS Éditions Robert Laffont, sont condamnés chacun à 1000 € au titre de frais irrépétibles, ainsi que d’une astreinte de 500 € « par manquement constaté ».