Dormance

Avant d’être un écrivain, Jean-Loup Trassard est un amoureux de la campagne et de ses moeurs. Une campagne qui est à la fois son cadre de vie et l’univers de ses romans, évoquée avec le plus profond respect. Avec Dormance, il poursuit l’exploration de cette vie presque sauvage synonyme pour l’auteur de liberté. La description méticuleuse des faits et gestes des animaux et des hommes mais aussi des paysages composés d’arbres, de champs, de sentiers aux multiples teintes, est captivante. Ici, l’observation est plus importante que la parole : les sens demeurent aux aguets. La nature forme un ensemble à apprivoiser pour des personnages mystérieux et à contempler pour les lecteurs. Chez l’auteur, il s’agit d’être au plus près de la nature : “Main dans la terre, la suie, la cendre, la paille, j’ai pris goût pour une vie qu’on peut qualifier de simple, ou même d’essentielle. Savoir préparer le bois et faire du feu, semer, récolter des légumes, tuer ou capturer du gibier, pêcher avec la main ou employer des nasses, élever des animaux domestiques qui ne coûtaient rien.” En somme, point de société si ce n’est rudimentaire mais uniquement l’homme et la nature, l’homme avec la nature. –Céline Darner LA DEDICACE DE L’AUTEUR : La dormance d’une graine est le pouvoir qu’elle tient, sous l’apparence du sommeil, de germer si les conditions deviennent favorables à telle transformation. Il sera bien question de graines, dont le destin eut pour l’humanité la plus haute importance. Mais surtout se révèle une dormance des images : leur aptitude à reparaître, puis à hanter – ici de façon heureuse – nos nuits et nos rêveries. Images de ce qui fut et serait moins oublié, moins perdu, qu’on ne le croit . Convoqué, bientôt habité, par de jeunes personnages autour desquels se tissent événements, saisons, bêtes et paysages, amour, violence ou peine – présences resurgies à travers une nuit d’épaisseur non mesurable -, voici que le narrateur, après hésitation, s’ouvre par l’écriture même une contrée dont il ignorait l’existence si près de sa maison natale. Dans un demi-sommeil, il avance, exalté, fouille la terre comme, en lui, une mémoire antérieure à sa vie, il trouve des visages, des objets et des bruits, un récit que le temps ronge encore. (Jean-Loup Trassard)