Le buveur

Hans Fallada (1893-1947) est l’une des figures majeures de la littérature réaliste allemande du XXe siècle. Son ouvre dresse un portrait fidèle de la société d’avant-guerre, de la résistance allemande aux ravages de la crise économique. « J’ai déplacé mon lit sous la petite fenêtre et je me suis agrippé aux barreaux de fer. J’ai vue sur un paysage tranquille et ensoleillé avec des prés, des champs, des bêtes qui broutent et une ligne de forêt à l’horizon. Juste devant moi, il y a un potager clôturé avec des planches de bois, un vieil homme marche le long d’un chemin, il récolte de la verdure dans un sac pour des chèvres et des lapins. Il peut aller où il veut – et moi, moi, je suis prisonnier ! Hier encore, tout ceci m’appartenait, je pouvais faire de ma vie ce que je voulais ; aujourd’hui, d’autres tiennent ma vie entre leurs mains, et je dois attendre leur décision à mon sujet. Je me laisse tomber sur mon lit. J’ai mal au cour, j’ai mal à la tête – l’effet de quelques gorgées que je viens de boire est déjà passé. j’ai soif – mais quand est-ce que je vais pouvoir à nouveau étancher cette soif ? » Entraîné à l’excès de boisson par le double facteur d’une succession d’échecs professionnels et de tensions conjugales, Erwin Sommer découvre l’ivresse, son euphorie et sa dépendance. Parce qu’il sombre à grande vitesse, il termine sa course derrière les barreaux, puis dans un centre de désintoxication. Écrit en 1944 pendant le séjour en prison d’Hans Fallada (1893-1947), Le Buveur dépeint la descente d’un homme ordinaire dans l’enfer de l’alcoolisme – dont l’écrivain fut lui-même victime. Empreint d’un grand réalisme et d’une étonnante vitalité, il dissèque l’âme tourmentée de son héros et dresse, ce faisant, un tableau fidèle de la société allemande. Erwin Sommer, citoyen estimé de sa ville, mène une vie paisible, heureux propriétaire d’un florissant magasin de produits agricoles, marié depuis quinze ans à Magda. Une série d’échecs professionnels et de tensions grandissantes dans son couple l’entraîne à boire : il découvre la plénitude de l’ivresse, les joies de la débauche et de l’oubli. Lucide sur sa dépendance et sa lâcheté, Sommer continue malgré tout, toujours plus bas, toujours plus vite, à faire le choix de l’alcool, des compagnons de misère et du suicide social. D’humiliations sordides en cuisantes défaites, de formidables beuveries en terribles disputes avec sa femme, il finit derrière les barreaux où il entame une monumentale gueule de bois. Peinture réaliste des bas-fonds de la société allemande et des recoins les plus sombres de l’âme humaine, ce récit écrit en 1944 est à la fois un brûlant témoignage d’une atroce dépendance dont Fallada lui-même ne réussit jamais à se débarrasser, et une extraordinaire peinture des moeurs sociales, judiciaires et pénitentiaires d’une époque. Du grand Fallada, noir et grinçant.