Le Psychopompe

Dans la mythologie grecque, Hermès, chaussé de sandales et d’un chapeau ailés, est appelé “Hermès psychopompe” (“qui conduit les âmes”), parce qu’il guide les âmes vers l’Hadès. Gabriel Delmas reprend ce terme pour concocter sous le label “Hors Série” – qui n’a jamais porté aussi bien son nom – de Delcourt, une noire pérégrination aux enfers d’une créature qui va aller de mal en pis. Les premières pages, sanglantes, impitoyables et désespérément obscures, donnent le ton : Gusoyn se réveille en enfer pour assister à l’exécution de sa femme et de son fils sous ses yeux. Dès lors, mené par un appétit de vengeance et une soif de destruction, Gusoyn se transforme peu à peu en une créature hybride, bientôt enrôlée comme “démon supérieur” dans la légion de l’archange Lucifuge Rofocale. Assurément, le parti pris de Gabriel Delmas est clairement affirmé : composer une ode poétique aux affres infernales en campant un ensemble de personnages qui le disputent à la corruption et à la putréfaction, sur fond de décors estampillés dark heroic fantasy. L’ombre du Nosferatu de Druillet plane au-dessus de ce méchant petit monde-là. Plus on tourne les pages, plus on est halluciné par l’ampleur et le déroulé des dessins, par la veine gothique qui hante ces pages. On nage en plein satanisme frénétique, les têtes tombent de coupe-choux plus effilés que la langue du diable. Créatures méphitiques, larves et limbes réticulaires se côtoient dans les pire culs de basses-fosses qui soient. Il est dommage que le noir omniprésent de ce bestiaire des trépassés ne facilite pas la lecture à la lueur des lampes électriques (on conseillera plutôt une bougie) et il est à noter que de nombreuses scènes ne sont pas à mettre sous les yeux des enfants (car Gusoyn, comme ses confrères ès exactions outre-tombe, est habité par ses propres démons…) . Pour le reste, ce Psychopompe est à déguster sans modération, tel un bon verre de sang frais auréolé du crépuscule. –Frédéric Grolleau Gusoyn se réveille en Enfer. Sa femme et son fils sont tués sous ses yeux, et lui est damné. Il est enrôlé comme démon supérieur dans la légion de l’archange Lucifuge Rofocale, seigneur du domaine des Trompes, qui part en guerre contre le domaine des Ténèbres dirigé par Astaroth. Alors qu’il fuit un adversaire trop puissant, Gusoyn fait une découverte capitale : la légendaire porte de la Terre… Mais il est arrêté pour trahison, et rétrogradé au rang de simple démon.