Tu rêves encore

Guillaume Le Touze est né en 1968. Il a notamment publié Comme ton père, prix Renaudot 1994 (Editions de l’Olivier), et Dis-moi quelque chose (Actes Sud 1999 ; Babel 2001), publié également chez J’ai lu. Quand sa femme le quitte en lui enlevant Chloé, leur fille, la vie de Marc bascule. Même si le quotidien était assez fade et qu’il assumait mal sa paternité, son existence, ses certitudes s’effondrent. En apprenant à vivre avec la douleur, loin de son passé, dans une Provence chaleureuse et ensoleillée, Marc, sans même s’en apercevoir, va prendre un second départ. Notamment grâce à de nouvelles amitiés, meurtries comme lui par la vie, il lui semblera enfin pouvoir accéder à la sérénité. Jusqu’au jour où, quinze ans après leur séparation, sa fille demande à le revoir… Un roman bouleversant, s’attachant à décrire des destins marqués par la séparation et les incertitudes. Extrait du livre : Roland emprunte la route forestière qui mène au col. Les chenillettes attaquent la neige avec voracité et, parfois, un lièvre détale. Roland n’a pas l’habitude d’avoir des passagers, la cabine étroite n’est pas conçue pour ça. Il a voulu rendre service à Loïc Lescorf, le douanier, se disant qu’il valait mieux l’avoir dans sa poche mais, même s’il est silencieux, sa présence debout à ses côtés gâche un peu le plaisir de Roland. Il n’aura pas le loisir de tirer un ou deux lièvres au passage et rentrera les mains vides à la maison. Heureusement qu’ils en ont quelques-uns au congélateur. Le braconnage, c’est du ressort du garde champêtre, mais on ne sait jamais, les douanes sont peut-être de mèche avec lui, et puis il n’a pas trop intérêt à attirer l’attention de Lescorf sur son cas dans la mesure où, parfois, un colis l’attend au pied d’un arbre à la limite d’une coupe de bois. C’est Martine qui écoule les paquets de cigarettes au bureau et tout le monde y trouve son compte. En haut, c’est la fin du domaine skiable et Lescorf continuera à pied vers la frontière suisse. La répression de la contrebande lui a récemment demandé de renforcer la surveillance sur son secteur. Roland fait demi-tour dans la clairière qui matérialise la fin de la forêt domaniale, il saute de la cabine et, à l’arrière de la machine, il abaisse les formes en fonte utilisées pour le traçage des pistes. Loïc Lescorf prend ses skis dans la nacelle, il serre la main de Roland avant d’enfiler ses grosses moufles en élan et s’éloigne vers la crête. Roland s’apprête à remettre les gaz. Avant d’attaquer la descente, il regarde un instant Lescorf disparaître dans la neige et se laisse presque attendrir par le côté dérisoire de la mission du douanier.