À ce soir

” Au moment de prendre le bain, j’ai enlevé ma montre, une montre offerte par l’homme que j’aime et où l’artiste a inscrit sur le cadran, en demi-cercle, À ce soir. J’ai constaté que le cadran était totalement embué. On dit que la peur crée des sécrétions toxiques. À ce soir était comme effacé. La date, elle, était bien visible. Treize juillet. Dix-sept ans après la mort de Rémi. Le texte qui suit s’est imposé à moi juste après. Il a surgi de la nuit. ” Soupçonné d’un complot contre le chef de l’État français, celui que l’on surnomme ” le Prince ” et dont il fut pourtant l’ami et le confident, le célèbre professeur Mariani, spécialiste de l’Antiquité romaine mais aussi homme de lettres et de femmes, menacé d’arrestation, n’a d’autre choix que la fuite et l’exil. Après trente ans d’absence, son village natal du sud de l’Italie accueille avec chaleur et ironie le retour de l’enfant prodigue. Soudain replongé dans le décor d’une jeunesse passionnée, en quête de l’obsédant souvenir de Laura autrefois aimée d’un amour furieux, Mariani est cependant confronté au fascinant journal d’un scribe gaulois qui accompagna les légions de César. À l’abri, croit-il, des persécutions, Mariani traduit fiévreusement les récits du scribe. Sous la pointe du calame, l’Antiquité déploie ses fastes cruels ; flamboyant et énigmatique, l’imperator, méprisant les signes, ne craint pas les ides de mars. Mais à la nuit tombée, les sicaires du Prince sont embusqués ; déjà dans les rues du village rôdent les chasseurs de manuscrits. Mariani ne voit rien. Il attend Laura… Au cours de l’été 2000, Laure Adler a échappé de justesse à un très grave accident de voiture. Un événement qui n’aurait pas dû laisser d’autres traces qu’une bonne frayeur rétrospective, si l’auteur ne s’était rendue compte qu’il s’était produit, jour pour jour et heure pour heure, à la date anniversaire de la mort de son fils, alors âgé de un an, dix-sept ans auparavant. À partir de là, le récit s’est imposé de lui-même à celle qui cesse ici d’être journaliste pour faire entendre la voix d’un mère retraçant le portrait d’un tout petit garçon très courageux. Un récit qui parle aussi, avec des mots simples et une immense lucidité, du deuil impossible : ” Le temps ne fait rien à l’affaire et ce n’est pas plus mal, au fond. ” Dix-sept ans après la mort de son enfant, Laure Adler raconte les couloirs sans fin de l’hôpital, les silences indécis des médecins, l’espoir contre toute évidence, l’émerveillement devant le courage d’un petit garçon de 9 mois, l’angoisse et la culpabilité dévorantes… “A ce soir” est un livre d’une sincérité brutale et nue, très physique, un corps à corps avec les souvenirs et la douleur, le récit d’un combat jamais achevé. Débordant de force retenue. Terriblement vivant. Avec un mélange de générosité et de parcimonie, Laure Adler décrit une étoile et sa lente extinction : l’éveil au monde du petit Rémi, interrompu par sa mort contre nature. Dans un style haletant, sans artifices, une mère décrit l’indescriptible. Aujourd’hui, elle continue de compter Rémi parmi ses enfants. Parce qu’on ne s’en remet jamais complètement. Espérons que ce livre l’aura autant aidée qu’il nous bouleverse. “Silence de la fin de l’aube. De l’autre côté de la grand-route, commence le chemin des Masques. Les lauriers puisent de l’eau sale dans le canal et s’entremêlent”.