Ailleurs en ce pays

Quel rapport entre McCann et Leibniz ? Aucun assurément, mais à la lecture du jeune Irlandais, l’interrogation fameuse du philosophe s’insinue doucement, puis s’impose peu à peu comme un leitmotiv : pourquoi y a-t-il quelque chose plutôt que rien ? Pourquoi y a-t-il un texte là où la phrase semble si lisse, si banale ? Comment fait-on une histoire avec des miettes de vies misérables, trois bouts de chandelles psychologiques, et le tic-tac d’une pendule qui n’en finit pas ? Si l’ ‘arte povera’ existait en littérature, McCann en serait un digne représentant – du moins pour ce qui concerne ses nouvelles, dont le charme subtil et l’économie stricte font quelquefois penser à un maître du genre, irlandais lui aussi, William Trevor. Une jeune fille seule, avec un père en deuil et consumé par sa haine de l’ennemi ; un garçon qui en secret aide sa mère à fabriquer des hampes de bois destinées aux défilés orangistes ; un adolescent qui suit, impuissant, la grève de la faim entamée par son oncle en prison… A travers ses nouvelles, Colum McCann brosse l’inoubliable portrait de trois jeunes Irlandais témoins ou, malgré eux, acteurs du drame qui déchire leur pays. En Irlande aujourd’hui. Trois nouvelles mettant en scène, à travers un évènement spécifique, des enfants ou jeunes adolescents confrontés à la guerre, à ses paradoxes et à sa profonde violence, directe ou indirecte.