Au fil des jours cruels – 1992-2002 – Chroniques

On se souvient qu’avant de passer au Figaro, Alexandre Adler, un des historiens contemporains les plus médiatiques, fut durant dix ans éditorialiste au Courrier international. Au fil des jours cruels reprend certains de ces éditoriaux publiés entre 1992 et 2002. Constamment préoccupé par la question de savoir “où se trouve la véritable démocratie athénienne en ce siècle”, les analyses d’Alexandre Adler cherchent à poser et à penser les problèmes du monde sous l’angle géographique le plus large. Observant au début des années 90 le réveil de la Chine, constatant la faillite de L’ONU et des humanitaires au Zaïre à la fin de la décennie, s’interrogeant sur la montée des populismes en Israël ou décelant début 2000 le jeu dangereux du Pakistan, c’est chaque fois un “regard posé sur le monde” qui nous est proposé, ainsi que la volonté constante “d’informer largement”. D’un point de vue personnel et philosophique, les analyses d’Adler tentent de rester héritières d’une pensée marxisante, dans le sillage d’un Braudel, d’un Althusser ou d’un Foucault, tout en prenant en compte ce qu’est le monde d’aujourd’hui, régi par une globalisation des échanges et un modèle néolibéral de plus en plus dominant. Aussi, la reprise de ces analyses sur une décennie dévoile un peu de l’histoire contemporaine en marche. Connaître pour comprendre est le vœu d’Adler ; un lecteur attentif trouvera ici de quoi se nourrir intelligemment dans cette quête. Rappelons qu’Alexandre Adler a publié en 2002 un essai historique, J’ai vu finir le monde ancien, que ce présent recueil d’articles vient illustrer et compléter. –Denis Gombert « Comme beaucoup, je n’ai pas dormi, la terrible nuit du 11 septembre 2001. On n’observe pas souvent, dans une vie humaine, la lumière dure et blanche de l’apocalypse. Devant les images mille fois répétées des tours qui s’effondrent, j’ai consulté, réfléchi. Et jusqu’au petit matin, face aux micros, j’ai partagé mes impressions. Rentré chez moi, à l’aube, dans un Paris bizarrement tranquille, un Paris déjà figé par la révélation d’un monde nouveau, j’ai revu les images du destroyer Cole, j’ai songé aux faubourgs poussiéreux de Karachi. J’ai médité la haine de la Qaïda contre les temps modernes. J’ai pensé qu’il fallait se tourner vers notre histoire récente. Et j’ai entrepris de relire tous mes articles depuis le début des années 1990. J’ai consulté, en particulier, mes 500 et quelques éditoriaux de Courrier International. J’ai confronté avec les faits mes hypothèses d’alors, toujours sérieuses, parfois provocatrices. J’ai revu les années Clinton, Eltsine, Mitterrand, Rabin ; j’ai voyagé, depuis la Bosnie jusqu’à Hong Kong, depuis le Chili jusqu’au Bengale ; j’ai rencontré des hommes d’Etat, des petits princes, des mafieux, des dictateurs. J’ai puisé dans ces années quelques signes – parfois des preuves. Aujourd’hui, alors que nul ne sait le destin de notre monde, j’ai décidé de rassembler et de partager cette masse de faits, d’hypothèses. Dans les milliers de pages que j’ai écrites, j’ai choisi celles qui me semblaient les plus fortes. Je veux donner une boussole à ceux qui cherchent comme moi, à préparer l’avenir ». A. Adler