Béantes portes du ciel

Lorsque Cornell Novak est entré au service de l’Agence, il ne savait pas qu’elle l’enverrait sur d’autres mondes. De la façon la plus simple : à travers des intrusions – qui sont des portes béantes entre les planètes. Vous franchissez une intrusion et vous vous retrouvez à la surface d’un autre monde. Et dans la peau d’un de ses habitants, si étrange qu’il soit. Cornell ne savait pas non plus que cette peau, il allait la risquer tous les jours. Pour les beaux yeux du gouvernement qui espère mettre la main sur les secrets technologiques et donc militaires d’une société plus avancée. Il ne savait pas, enfin, que – sur un autre monde, sous une autre forme – il rencontrerait aussi l’amour. En la personne de cette femme qui se fait appeler Porsche. Et qui est aussi une étrangère radicale. Une visiteuse des intrusions, une représentante du peuple ancien et bienveillant qui se nomme lui-même, ironiquement, les Infimes. Porsche livre quelques-uns des secrets des Infimes à Cornell. Et quelques-uns de ses brûlants secrets personnels. L’Univers n’est décidément pas ce qu’il semble. Après Le Voile de l’espace, dans cet étrange thriller, à mi-chemin du film Men in black et de la série télévisée The X-Files, Robert Reed, le plus original des jeunes auteurs américains de science-fiction, bouleverse les conventions du genre. Robert Reed a repris les personnages principaux d’un de ses précédents romans “Le Voile de l’espace” : l’étrange Porsche Neal et son amant Cornell Novak, ainsi que le père de ce dernier, Nathan, le doux rêveur collectionneur d’intrusions. L’étrangeté assez radicale de Porsche Neal, qui a pourtant la morphologie indubitable d’une terrienne, se pressent dans “Le Voile de l’espace”. Elle est ici entièrement explicitée puisque la première partie du roman retrace sa biographie de visiteuse de mondes, et dévoile son appartenance à un groupe d’envahisseurs pacifiques, peuple protéiforme très ancien qui connaît le secret des intrusions et les utilise pour s’épancher secrètement dans tout le cosmos. Ces visiteurs qui s’évertuent à passer le plus inaperçus possible s’appellent eux-mêmes, non sans un certain humour : les infimes … Robert Réed conduit son affaire avec une grande maîtrise : on s’attache au couple formé par l’humain et l’infime, on assiste avec la même impuissance au triomphe cynique des mauvais, on attend le coeur un peu battant le moment où la fortune va changer de camp. Bref, on marche. Et Robert Reed, en homme averti, a soigneusement disposé dans son épilogue les germes d’une éventuelle suite… Pour envahir la Terre, franchissez une “intrusion”, soit une “béante porte du ciel”. et vous serez introduit dans la peau d’un terrien. Si ce dernier travaille pour le gouvernement et détient des secrets, c’est déjà chaud. Mais si, en plus, vous tombez amoureux d’une terrienne habitée elle aussi par un membre d’une autre espèce extraterrestre, cela devient très chaud…