Cendrillon

C’est un livre d’amour. C’est un livre d’amour dédié à une saison, l’automne. C’est un livre d’amour et de guerre sur la mondialisation, les dérives du capitalisme moderne. Laurent Dahl prend la fuite, abandonnant femme, enfants, appartement londonien et domestiques. Son ascension fulgurante dans une société d’investissements vient de s’achever en faillite. Patrick Neftel roule à vive allure vers un studio de télévision, des armes cachées dans le coffre de sa voiture, pour accomplir le geste radical et désespéré qui lui donnera enfin le sentiment d’exister. Thierry Trockel conduit son épouse vers un manoir isolé aux environs de Munich. Ils doivent y retrouver un couple rencontré sur Internet. À travers ces trois personnages issus d’une classe moyenne toujours malmenée par l’auteur du Moral des ménages, c’est la société dans toute sa rudesse qui se révèle : traders bourrés de cocaïne, laissés pour compte de la promotion sociale, parents soumis et humiliés, adolescents rageurs, jeunes gens avides et ambitieux, arrogance et dégradation des people, mépris des intellectuels de gauche pour les déclassés. Cendrillon est le roman que l’on attendait sur notre monde, un monde qui agonise et ressuscite d’un marché financier à l’autre : documenté, précis, captivant. On se passionne pour les paris périlleux des spéculateurs qui jouent avec l’argent des autres, au risque de tout perdre. Eric Reinhardt a une belle qualité : il est attentif au rythme et aux visages du monde… malgré les chaos qui animent celui-ci et le rendent de plus en plus insaisissable aujourd’hui, notamment en raison de la réduction des vies humaines à de pures données économiques. Dans cette fresque de près de 600 pages, l’auteur met en scène plusieurs personnages, tous inscrits dans un même processus de conflit avec une réalité qui ne les satisfait pas : Laurent Dahl, homme ruiné qui quitte précipitamment Londres et sa famille car sa société d’investissement vient de faire faillite ; Patrick Neftel, grand désespéré qui désire la mort pour se sentir vivre ; Thierry Trockel, homme marié qui aime les rencontres insolites (en couple bien sûr…). Et la figure de Cendrillon dans tout cela, héroïne de conte qui donne son titre au roman ? Elle est une manière de double discours sur ce que nous sommes aujourd’hui – des guenilles -, et ce à quoi nous aspirons – l’amour, le bonheur, la métamorphose. Celle-ci a d’ailleurs peut-être pour secret la beauté des femmes et de l’automne, dont nous entretient superbement Eric Reinhardt ici… Le nouveau et très attendu roman d’Eric Reinhardt. A travers la trajectoire sociale de trois hommes, une fresque puissante sur la dérive économique de notre monde et la beauté des femmes. Un roman d’amour ? Oui.