Comme un veilleur attend la paix

En 1998, Hubert Prolongeau, dans Le Curée de Nazareth, nous révélait la figure charismatique, toute de ferveur et de courage, d’Émile Shoufani. Depuis, deux autre ouvrages, l’un sur la Galilée, l’autre de spiritualité, sont venus renforcer encore l’image de ce prêtre d’exception, artisan de dialogue, ferment de paix dans cet espace d’amertume qu’est le Moyen-Orient. Ce dernier ouvrage s’inspire d’une image du psaume 130 où est évoqué ce “veilleur” qui “attend l’aurore”, âme qui patiente après la paix de Dieu. Cette “aurore” de paix, Shoufani la conçoit, non comme une passivité mais comme “une vigilance”, “une façon de se tenir debout dans la dignité”. Au fil de ce nouvel entretien avec Hubert Prolongeau, il stigmatise l’imprégnation de plus en plus religieuse du conflit qui, de conflit politique, devient “une guerre de religion” : “L’intrusion du discours religieux dans les affaires politiques est sans doute la pire chose qui puisse arriver à cette région”. Cette dérive, il la constate d’abord au sein du lieu dont il a la garde, Nazareth, marqué de combats récents, mais aussi dans tout l’espace social et mental. Face à cette intransigeance meurtrière, à cette rigidité intolérante et suicidaire, Shoufani, avec les moyens qui lui sont propres, ceux d’un prêtre et d’un enseignant, tente de maintenir ouvert dialogue et contact. Sa mission s’applique d’abord à la jeunesse qu’il tente de sauver du traumatisme, également aux croyants, fils d’Abraham, qu’il tente de maintenir dans l’enceinte d’une provenance commune. Mélange de récit historique, d’analyse sociopolitique, de témoignage vécu et de méditations spirituelles, ce livre éclaire d’un jour de foi et de courage l’un des drames cruciaux d’aujourd’hui. –François Angelier Malgré les événements tragiques du Proche-Orient, les positions d’Émile Shoufani n’ont pas changé depuis le formidable succès du livre qui retraçait son parcours : Le Curé de Nazareth. Interrogé par Hubert Prolongeau, cet inlassable militant de la paix réaffirme que la seule solution du conflit réside dans une reconnaissance mutuelle entre Israël et un État palestinien. Il redit avec force son refus radical de toute violence et raconte comment il a continué, au prix d’incroyables difficultés, à organiser des rencontres entre Juifs et Arabes pour tenter de dissoudre cette terreur de l’autre qui s’est emparée des peuples de la Terre sainte. Mais en livrant sa lecture personnelle des faits, sans complaisance aucune envers l’incurie des politiques de l’un et l’autre camp, l’Arabe israélien qu’il est se voit bien obligé de constater le désastre : ce conflit, qui n’était pas essentiellement religieux jusqu’à la seconde Intifada, tend à devenir une vraie guerre de religions. Les mouvements islamistes sont de plus en plus influents et les manoeuvres des colons pour s’approprier définitivement les terres palestiniennes sont en passe d’aboutir. Autant de ruptures qui amènent le « curé de Nazareth » à faire entendre sa voix. Sa compréhension des réalités humaines du Proche-Orient, sa proximité de coeur avec les Juifs comme avec les Arabes chrétien ou musulmans, font de son témoignage un document réellement unique.