Dans la tourbe

La “fondation” est un hospice où survivent quelques personnes âgées dont Élie, ancien violoniste devenu alcoolique, et Francis, vieillard énorme qui passe son temps avachi sur son lit à mâchonner en cachette des bouts de chocolat. Cette institution a décidé d’offrir à ses pensionnaires un séjour d’une semaine à la campagne, mais au moment du départ, la religieuse responsable du groupe est obligée de recruter un accompagnateur au pied levé. Bien qu’il ne soit pas au mieux de sa forme, Christophe accepte le poste. Il connaît bien “Les Roches sourdes”, lieu de la villégiature, pour y avoir passé un été lorsqu’il avait quinze ans. Il se rappelle la tourbière proche et ses souvenirs d’enfance remontent à la surface comme autant de mystères enfouis qu’il va tenter d’élucider durant ce séjour impromptu. Il ne s’agit pas d’un récit policier classique, mais bien plutôt d’un roman noir qui frôle parfois le fantastique et dans lequel le passé du protagoniste et de sa mère occupe une place essentielle, suscitant une impression de malaise. Claude Amoz, avec son écriture élégante, signe un second et superbe roman sur l’apparence des choses, la fragilité de la mémoire et la recherche d’identité. Elle poursuit l’exploration d’un univers très personnel, déjà amorcée dans son premier ouvrage Le Caveau, Prix Sang d’encre 1997. –Claude Mesplède Les Roches sourdes, une bâtisse vétuste et lugubre, située au bord d’une tourbière. De la bruyère et des ajoncs, quelques arbres rabougris, une lance humide, immobile et blafarde. Cinq vieillards de l’hospice s’y installent pour une semaine de vacances. Christophe, un des accompagnateurs bénévoles, est déjà venu, adolescent, aux Roches sourdes. Sa mère aussi, pendant la guerre, quand le bâtiment abritait un orphelinat. Fugues, vols, délires d’alcooliques, sourdes rancœurs… Les tensions s’exacerbent. D’autant que la tourbe, cette boue noire et gluante qui a la propriété de conserver à l’abri de l’air et de la lumière, à l’abri de la vie, tout ce qu’elle a englouti, ne va pas tarder à rejeter un corps. Celui d’une femme, intact.