Demi-siècle

Dominique, parfaite hôtesse, reçoit une ou deux fois par mois, le, dimanche soir, dans son appartement de la rue de l’Université, à Paris. Ils sont douze convives. Intellectuels plus ou moins en vue, déjà “arrivés” ou impatients de l’être, ayant des origines sociales diverses. Ils constituent une fine équipe, unie par le goût du plaisir, et surtout un ton. Et c’est ce ton que retranscrit merveilleusement Pierre-Jean Rémy : ce mélange de frivolité et de gravité, de férocité et de gentillesse, d’ironie pétillante et tout à coup délicate, de parade sophistiquée et de sincérité égarée, d’affection intéressée, et de gratuité ivre. Simple tableau de la mondanité … Le grand talent de Pierre-Jean Rémy est de simplement laisser affleurer l’Histoire. Les événements – la guerre du Vietnam, Mai 68, le conflit en Afghanistan, l’arrivée des socialistes au pouvoir – glissent comme des reflets plus ou moins proches, denses ou calmes, sur les vitres de la salle à manger. Les changements de mentalité, Pierre-Jean Rémy les indique aussi par allusions : c’est, chez les convives, masculins surtout, une plus grande obsession du pouvoir. C’est, succédant à l’élégance de la fête, au plaisir, au vertige de la perte, des mots pour rien, la lourde imprégnation de l’argent (celui du banquier Fabrice Heiss qu’on ne verra jamais, qui est le seul à ne pas être invité, mais qui semble les manipuler par l’entremise de sa femme, Bettina von Beck) qui leur donne l’impression de s’étendre à toutes les activités de leur existence, s’infiltre au coeur de leur vie. “Ils sont douze à se retrouver tous les dimanches soirs, chez l’un d’entre eux. Avocats, artistes, politiques, écrivains ou journalistes, ils viennent d’horizons les plus divers, fils d’ouvriers ou grands bourgeois. Ambitieux, cyniques ou simplement généreux, ils s’aiment et se déchirent au gré des mêmes conversations qui roulent sans fin sur eux-mêmes, la politique, la vie et, encore et toujours, eux. Espoirs souvent déçus, amours parfois trahies, compromissions : et si c’était la vie entière de chacun, en même temps que notre histoire à tous et celle de ce demi-siècle, qui se déroulait le temps de ce dîner cent fois répété, commencé à vingt ans et qui s’achève à l’aube d’un nouveau millénaire ? ” Pierre-Jean Rémy Dominique, à qui ses parents ont légué un vaste appartement, reçoit douze amis tous les dimanches soir, depuis les années 50 jusqu’à l’aube du troisième millénaire. Certains d’entre eux se croisent entre les rencontres, d’autres mènent des vies parallèles. D’origines diverses, ils sont avocats, écrivains, politiques, journalistes ou artistes. Pierre-Jean Remy, au fil de ces dîners rituels, déroule la vie de ces êtres qui vieillissent, s’aiment, se trahissent dans des conversations qui les ramènent sans cesse à eux-mêmes et qui brossent un tableau nuancé, émouvant mais impitoyable du demi-siècle révolu.