Impuretés

Une colline : superbe, couverte de maisons de luxe, et habitée par des gens aussi connus que discrets. Un drame : Lisa, la fille de Richard un ex-écrivain en vogue et de Laure, actrice en plein come-back, est retrouvée noyée dans le lac après une soirée pas très claire. Evy, leur fils, quatorze ans, mutique et énigmatique – grand consommateur de substances illicites – est le suspect idéal. N’importe où ailleurs, les choses seraient vites réglées. Sur la colline, royaume de l’apparence, les façades cachent d’invraisemblables malentendus. Richard et Laure veulent retrouver le contact avec leur fils ; ils s’en éloignent de plus en plus. Le père de Richard, en grand-père compréhensif, débarque de New York pour réconcilier la famille ; tout le monde le déteste. Anaïs une des amies de Lisa veut s’accaparer Evy ; elle se fait doubler par Gaby Gurlitch. Car attention, qui se penche trop sur un garçon aussi étrange qu’Evy, se prend les pieds dans sa propre histoire. Après un détour par la forme brève qui avait abouti au superbe Frictions, Philippe Djian revient au roman avec Impuretés, avec une force nouvelle, une précision et invention narrative plus personnelle que jamais. Djian, on l’aime parce que c’est un formidable raconteur d’histoires glauques, toujours sur le fil du rasoir, toujours coupant, acéré.. Ici, acéré, l’auteur de Vers chez les blancs l’est plus que jamais. Une grande maison dans une résidence bourgeoise, à flanc de colline… Un écrivain en perte de vitesse, toxicomane paumé… Une épouse dans le même état, actrice oubliée qui aimerait faire son come-back et qui est prête à coucher pour cela… Evy, le fiston, un ado à la puberté difficile et à la sexualité contrariée, qui a eu la malchance d’assister à la noyade fatale de sa soeur et qui, à la suite de ce drame, a sombré dans un mutisme opaque… Voilà, le décor est planté : la décrépitude d’une famille bourgeoise, libérée, où la culture et l’argent coulent à flot mais où les êtres sont fermés sur eux-mêmes, ne parviennent pas à communiquer et surtout, se ratent… et se livrent à de bien curieuses impuretés, mot qui vaut comme une définition à part entière de l’existence. Un très bon Djian, délicieusement sombre et inquiet.