Jadis, si je me souviens bien…

Le thème est simple : un enfant heureux, en vacances au bord de la mer, surprend la jouissance de la mère dans les bras du père, voudrait la partager. Un couple de jumeaux très beaux (le garçon est aveugle) visitent une nécropole de Pamphylie, un marin contemple un trésor trouvé sans jamais le monnayer : les sujets des deux autres nouvelles de “Jadis, si je me souviens bien…” sont ténus et mystérieux. Le bonheur des autres n’est pas transmissible. L’écrivain se sauve de cette humaine frustration par une mystique de la mer et des paysages. lles grecques peu visitées, criques secrètes, ciels crépusculaires : les descriptions lentes et fastueuses répercutent l’émoi d’une âme éprise de beauté. La “chute” de la nouvelle est arrêt du temps, destin incommunicable. L’art de Charles Bertin est de “travailler” une écriture classique, riche de mots rares et d’adjectifs précieux, jusqu’à la rendre transparente comme est transparent le narrateur dont nous ne connaissons rien d’autre que le regard ébloui, la solitude et la revanche : “… Si j’acquérais le talent de reconstituer par l’écriture les instants passés dans le bonheur, le privilège me serait donné par surcroît de les voir renaître à la vie.” Dans ce recueil de trois nouvelles, Charles Bertin emmène le lecteur vers la connaissance de soi et la connaissance du monde. L’histoire, ici, est celle de la quête d’un trésor inestimable : la prise de conscience de la place de l’homme dans le passage du temps. Dans le lacis de ses souvenirs, d’une plume remarquable, l’auteur peint avec force détails le rapport entre les “belles âmes” et l’infini. La mer était donc le cadre idéal des aventures du narrateur. «La Sentinelle», «Le Gardien et Le Cheval» souriant mettent ainsi en scène une rencontre particulière, celle de l’homme et du “puits du passé”.