Le bar des habitudes

Entre chroniques populaires et contes fantastiques, les nouvelles de ce recueil sont chacune un régal de lecture, où l’ironie voisine avec la tendresse, l’innocence avec la gauloiserie. Franz Bartelt réussit à ouvrir les perspectives métaphysiques les plus inattendues – et les plus savoureuses – à partir des situations les plus dérisoires, voire les plus triviales. Ainsi de Balmont, cet habitué d’un bistrot de province qui voit un jour son univers bouleversé par l’arrivée d’un nouveau client, qui s’installe à sa place (Le bar des habitudes). Ou de Malone qui fait part à sa femme de l’envie grandissante et inexplicable qu’il ressent de la tuer, ce qu’elle comprend tout à fait (Mauvais rêve). De la serveuse, qui voit s’accouder au bar un nouveau venu et comprend instantanément que c’est l’homme de sa vie, alors qu’il s’agit en réalité du comptable venu lui annoncer la vente de l’établissement (Ma tournée). Ou encore de ces deux personnages irrémédiablement mous qui se rencontrent : ce sera une histoire d’amour très, très molle… mais remarquable (Histoire molle). Franz Bartelt, en grande forme, se montre aussi à l’aise dans le genre bref que dans tous ses romans précédents. «Guy Vouine était mou de naissance. Il avait coulé de sa mère, comme d’un pot de confiture renversé. L’accouchement n’avait requis aucun effort, aucune poussée. L’enfant faisait un petit tas sur les linges et le cri qu’il exhala pour manifester qu’il était vivant montait de lui avec la légèreté d’une vapeur. La sage-femme, qui en avait vu de toute sorte, se dit seulement qu’elle n’en avait encore jamais vu de si mou. Plus tard, il s’avéra que l’enfant physiquement mou était également mou à l’intérieur…» Au fil de ces seize brefs récits, Franz Bartelt raconte des destinées exemplaires, dans un registre tour à tour goguenard et tendre, loufoque et cruel.