Le cimetière des bateaux sans nom

Est-il encore possible aujourd’hui, à l’heure des satellites géostationnaires et des technologies sophistiquées de communication, d’écrire des romans d’aventures maritimes au présent ? Avec son nouveau livre, Arturo Pérez-Reverte donne à cette question une réponse positive, mais pour le moins paradoxale. En effet, son héros, Coy, est un officier de marine marchande “encalminé” à terre, à la suite d’un naufrage dont il porte assez injustement la responsabilité, et qui n’attend rien d’autre que de pouvoir reprendre la mer … “J’ai été Jim Hawkins, puis j’ai été Ishmaël, et un temps j’ai cru être Lord Jim… Ensuite j’ai su que je n’avais été aucun d’eux.” L’aventure que lui fait vivre Pérez-Reverte, d’ailleurs bien plus terrestre que marine, lui donnera l’occasion d’être, d’une certaine manière, un peu chacun d’eux puisqu’il y est question d’un trésor, qu’il y mène une quête d’un mystérieux “bateau perdu” et qu’elle semble l’occasion d’une seconde chance … Mais les référents d’un récit où l’auteur laisse percer une fois encore son goût pour les méandres de l’histoire et ses conspirations (tout tourne ici autour des rapports entre la Couronne d’Espagne et la Compagnie de Jésus, avant que cette dernière ne soit déclarée non grata), sont moins les oeuvres de Stevenson et de Conrad que celle de Dashiell Hammett … Et l’aventure maritime dans tout ça ? Elle vient constamment se mêler aux péripéties du roman noir, sous des formes très diverses, du récit d’une traque corsaire ancienne aux souvenirs “plus grands que nature” des navigations et des escales de Coy. “Tous nous vivons pris dans l’emmêlement des lignes de harpons à baleine.” Pour tous ceux qui, enfants, ont embarqué dans les pages des romans d’Howard Pease ou de Frank Crisp et ne s’en sont jamais tout à fait remis, “Le Cimetière des bateaux sans nom” fait souffler une fois encore, et de bien merveilleuse façon, le vent du grand large… Coy, un marin barcelonais, ne vivait que par et pour la mer jusqu’à ce qu’un naufrage le bannisse du monde maritime. Lors de la vente aux enchères d’une ancienne carte maritime, il tombe éperdument amoureux de Tanger, une femme troublante qui travaille au musée de la Marine de Madrid. Celle-ci va l’entraîner sur la piste d’un vaisseau englouti, le brigantin Dei Gloria, coulé au large des côtes espagnoles voilà plus de deux siècles. Un navire mystérieux, qui, a priori, ne renfermait pas de trésor. Mais avec la mer, il ne faut jamais jurer de rien… Dans le dédale des bibliothèques et des archives marines, puis dans les eaux vertes de Méditerranée, Coy et sa dangereuse compagne ne sont pas seuls sur la piste de l’épave… Fascinant. Auteur espagnol le plus lu au monde, journaliste correspondant de guerre et grand spécialiste d’Alexandre Dumas, Arturo Pérez-Reverte a connu un grand succès avec, notamment, Le Capitaine Alatriste, Le MaÎtre d’escrime, Le Tableau du maître flamand, Club Dumas… Il utilise ici une autre de ses grandes passions – la mer – pour livrer un splendide roman contemporain d’aventures maritimes. Des énigmes, du danger, de la poésie, de la passion… tout y est. La première partie du livre, à terre, est aussi passionnante que l’embarquement à la recherche de l’épave. Une véritable invitation au rêve marin, de multiples références aux grands de cette littérature (Herman Melville, Francisco Coloane, etc.), bref, un événement pour chaque aventurier qui sommeille en nous. –Bruno Ménard Un marin exilé de lamer follement épris d’une femme dangereuse et belle. Un brigantin englouti depuis plus de deux siècles dans la pénombre verre de la Méditerranée. Une ancienne carte nautique qui n’en finit pas de révéler ses énigmes. Un secret dont les bribes sont éparpillées dans les liasses jaunies des bibliothèques et des musées qui excite la convoitise de chasseurs d’épaves sans scrupules. Et une fabuleuse histoire d’amour et d’aventure dont l’inoubliable héroïne est la mer. De Melville à Stevenson, de Conrad à Patrick O’Brian, c’est toute la grande littérature de la mer qui revit dans les pages de ce fascinant et merveilleux roman, comme un hymne à l’or magique des rêves et une métaphore de la part d’ombre tapie en chacun de nous.