Le Petit Manuel du Français maltraité

LA DEDICACE DE L’AUTEUR : En ouvrant ce petit livre, tu ne cours pas le risque, lecteur intéressé par les mots et par leur destin, de te faire taper sur les doigts. Ce “manuel”, aussi bien, en dépit de son titre et de son apparence, n’est pas une production scolaire. C’est une invitation, sans venin pédantesque, à fuir, dans le parler de tous les jours, des abus, des gaucheries, des modes tyranniques, des signes extérieurs de richesse qui sont des aveux de pauvreté. Le vocabulaire se réduit, la palette des mots se fait indigente. Mais on allonge les mots qui restent, on étend, on étale, on délaye. Ainsi, lecteur, moi qui t’écris que tu ne cours pas le risque d’être durement réprimandé, si j’usais de la langue du jour, de ce “néofrançais” gonflé dont ce “petit manuel” se moque, j’aurais mis “encourir” à la place de “courir”. Or on “encourt” une peine, une sanction, une amende. On “court” un risque, ou plutôt on “courait” un risque, quand le français résistait mieux aux démons de la boursouflure… (Pierre Bénard) Finies la cordialité, la chaleur : place à la « convivialité » tous azimuts… On ne fait plus face, on ne contrôle plus, on ne gouverne plus : on « gère ». Gérer est devenu un « mot à tout faire », qui concerne tous les aspects de notre vie : conjoint, plan de carrière, petites maladies, grand bonheur… Et de nombreuses chroniques encore sur « la mode du long » qui nous fait utiliser « positionner » au lieu de « placer » ou « poster », etc., sur les néologismes, la « langue épaisse », l’oubli des règles…