Le Procureur

“Le Procureur” (est le) livre-témoin d’une âme où le Paraguay règne en maître, comme il a toujours été le thème obsessionnel des ouvrages de cet auteur … Avec “Le Procureur”, l’exilé s’épanche sous le pseudonyme de Félix Moral, qui fut journaliste en son pays d’où il s’est évadé après passage par la “Tecnica”, entreprise de torture policière. Désormais, Moral vit à Nevers où il professe, dispose d’une vieille maison emplie de souvenirs du pays bien-aimé et chauffée par l’amour qu’il porte à sa compagne : Chimène … Tout irait pour le mieux dans le plus injuste des mondes si ne venaient s’immiscer dans la sérénité du couple Félix-Chimène les obsessions sexuelles de Leda Kautner, une des étudiantes de Moral. Commence la torture de Tristan pris entre son Iseult la noire qu’il aime et l’Iseult la blonde qu’il abhorre : elle est originaire du pays d’AIfredo Stroessner. Au cours de cette tourmente, Moral rédige un journal intime, source du roman, où l’imaginaire ne tarde pas à prendre le pas sur la réalité … Roman, journal ou fantasme, ce livre condense toutes ces disciplines et on ne peut qu’admirer la souplesse de son écriture, sa richesse, la tension humaine décortiquée nerf à nerf. Le cri même de l’exil contre l’oppression et la tyrannie. “Le Procureur” ne se peut oublier. Il est le poème des justes. Avec Le Procureur, Augusto Roa Bastos nous emmène dans un univers où l’amour, paisible et transparent, est soudain détruit par les atrocités commises au nom de l’ordre, de la morale et de l’honneur. Longue et inquiétante lettre posthume qu’un journaliste paraguayen vivant en France, Félix Moral, adresse à sa femme, Chimène, ce livre du désir et de l’échec est tissé sur l’envers d’une dictature : l’exil. L’organisation d’un meurtre, d’un « tyrannicide », est le fil qui traverse le récit de Félix Moral, tantôt Mémoires, tantôt hymne à l’amour, tantôt opérette absurde et sanglante. Le Procureur, né des cendres d’un premier manuscrit brûlé il y a plusieurs années, vient compléter le retable d’Augusto Roa Bastos sur la grande tragédie paraguayenne. Il reprend, en même temps que le thème du pouvoir absolu, le sujet qui hante toute l’œuvre de l’écrivain : la responsabilité de l’individu devant le monde et devant l’histoire.