Les tribulations d’une migraineuse

Delphine, trente-cinq ans, mariée, maman d un adorable petit garçon, a tout pour être heureuse. À ceci près : elle est migraineuse. Alors, régulièrement, Delphine la boute-en-train, mute. Elle devient la rabat-joie, celle qui ne boit pas de Champagne le 31 décembre à minuit, qui maudit les fumeurs, la casse-pieds qui demande qu’on arrête la musique, qu’on éteigne la lumière, celle qui dit, la mort dans l’âme : «Non, chéri, pas ce soir…» avant d’avaler un Triptan, deux somnifères, de glisser sous la couette et de s’endormir, une poche de glace sur la tête. Refusant de se laisser abattre, elle pérégrine à la recherche du traitement miracle. De l’homéopathe qui lui demande solennellement si elle mange le gras du jambon avant de lui délivrer une ordonnance à lui faire perdre son latin, à l’acupuncteur qui lui recentre son champ d’énergies, en passant par le grand ponte de la migraine et les différents praticiens de la planète psy, elle tente tout, jusqu’à la gouttière qui lui donne «l’air sexy d’un boxeur» et les hormones qui, très vite, à raison d’un kilo supplémentaire par semaine, menacent de la transformer en vache limousine. Dans ces conditions, la vie de couple aura bien du mal à résister… Détruire le mur d’incompréhension séparant l’espèce migraineuse de l’espèce non migraineuse, tel est le but de ce livre que toute migraineuse pourra toujours, l’air de rien, poser sur la table de nuit de son compagnon… Delphine Rey, 35 ans, est professeur de sciences de la vie et de la Terre. Extrait du livre : Petites billes contre gros boulet Arrivée à la maison, je déverse la trentaine de tubes homéopathiques sur la table de la cuisine, afin de les trier. Entre le traitement de fond prescrit par mon généraliste, ces granules et les comprimés de crises, ma bataille contre les migraines ressemble plus à une thésaurisation médicamenteuse de petite vieille qu’à un combat musclé à la Rambo. Mais cette épreuve, qui m’est imposée depuis maintenant vingt années, est à la fois physique et psychologique. Je devrais consulter maître Yoda. Pour le moment, la force n’est pas avec moi. Mon fils de six ans surgit dans la cuisine et secoue les petits tubes, amusé par le bruit de ces mini-maracas. Il réclame un granule. Je lui promets d’acheter du «Gelsemium sempervirens» uniquement pour lui. La veille d’un examen scolaire, j’ingurgitais toujours un tube de ces granules sensés me rendre zen. Vu l’énergie que déploie mon fils, je viens peut-être d’avoir une idée géniale ! Il irradie de bonheur, comme si je lui avais promis un sachet entier de Carambar Atomic (ses préférés) et court annoncer la bonne nouvelle à son père : – Papa ! Maman va me donner des petites billes de géranium ! Pour trouver le mari, il suffît donc de suivre le fils jusqu’à… la chambre parentale. Une bosse sous la couette d’où s’élève une respiration paisible me renseigne sur les méthodes de surveillance très personnelles de mon mari. – Alex, tu as fait quoi, toute la matinée ? – J’ai joué au trampoline sur le lit de papa. Ce papa-là est capable de dormir sur un radeau en pleine tempête. Inutile, dans ces conditions, de tenter le baiser de la Belle au bois dormant. Il reste l’ultime solution : le coup de la couverture.