Manipule

Imaginez un homme qui découvre par hasard qu’il a une intelligence hors norme. Que ses souvenirs sont peuplés de choses qu’il ne comprend pas. Incohérentes. Etranges. Monstrueuses. Qu’on a lancé des tueurs à ses trousses pour le maintenir dans l’ignorance de ce qu’il est vraiment. Que sa vie n’est peut-être qu’une gigantesque manipulation. Une manipulation qui remet en cause jusqu’à sa propre identité… Responsable marketing dans une grande société de haute technologie, Laurent Terry a 33 ans. Lauréat du prix des Blogauteurs, un concours ouvert au vote des internautes, Manipulé, son premier thriller, a été plébiscité par des milliers de lecteurs. Extrait du livre : Johnny courait. Tirant ses bras vers l’arrière à chaque foulée comme il l’avait appris à l’école, il tentait d’aller vite, plus vite. Ses inspirations faisaient entrer dans sa cage thoracique un flot d’oxygène qui brûlait ses alvéoles pulmonaires. Il manquait d’air, comme un poisson d’appartement qui aurait atterri hors de son bocal, à l’agonie. Malgré la douleur, il devait fuir. Ils étaient là, à ses trousses, leur présence palpable. Il ne pouvait les voir mais les sentait se rapprocher, inexorablement. La peur inondait son cerveau, la panique le tétanisait. La semelle de ses baskets d’écolier s’alourdissait à chaque pas. La terre sèche de cette prairie sans vie était comme une glue, tenace, l’empêchant de fuir l’imminence du danger. Pourtant, le salut était tout proche, il le distinguait dans le lointain. La silhouette d’un chêne noueux brisait le paysage de cette terre inhospitalière, couverte d’une pellicule d’herbe grisâtre et clairsemée. D’une immensité rassurante, ses branches atteignaient le sol et formaient un nid protecteur accueillant la silhouette de la seule personne susceptible de l’arracher à l’étreinte des êtres qui le pourchassaient. Son père lui faisait de grands signes. John ne pouvait l’entendre, mais il devinait ses paroles. «Cours, mon fils, cours», semblait-il psalmodier dans sa direction. Johnny lança ses dernières forces dans la bataille. Son visage dégoulinait d’une sueur glacée, figé par l’effort dans une grimace simiesque. Ses poursuivants le talonnaient, il pouvait maintenant entendre leurs voix sifflantes. «Quelle forme, John ?», lui susurraient-ils. John tendit les bras vers son père. Il n’était plus qu’à quelques mètres. «Cours, Johnny, cours», l’encouragea-t-il à nouveau. Enfin, il l’atteignit, plongeant entre ses bras protecteurs. Mais, loin de sentir l’apaisement espéré, il fut envahi d’une sensation de froid et un rire sec déchira le silence. Le paysage, qui une seconde plus tôt se dressait devant lui, fut aspiré dans le néant par quelque vortex surgi de nulle part. John se sentit soulevé de terre par une force irrépressible. Chaque molécule de son être était projetée vers un ailleurs, une autre réalité. Au moment où il avait atteint les bras de son géniteur, ses yeux s’étaient fermés dans un réflexe de vaine protection. Quand il les rouvrit, il n’y avait plus guère de grand espace, plus d’arbre, plus de père non plus. Il était allongé dans un lit métallique. Lorsqu’il tenta de remuer l’un de ses membres, il entendit le cliquetis des chaînes et comprit. Il était entravé, dans l’incapacité d’effectuer le moindre mouvement. Sa tête, elle-même, était prise dans un étau. Seuls ses yeux avaient conservé toute leur mobilité. Extrait du préambule