Mattéo, tome 2 : Deuxième époque, 1917-1918

Avec Mattéo, Jean-Pierre Gibrat s’est lancé dans une entreprise passionnante : raconter en cinq albums les soubresauts de la première moitié du XXe siècle à travers le destin d’un jeune anarchiste pétri d’idéaux et d’humanité. Mattéo est de retour ! Voilà deux ans que Jean-Pierre Gibrat a publié le premier tome de sa série qui doit emmener le lecteur d’août 1914 à la Seconde guerre mondiale et de la Révolution russe à la Guerre d’Espagne. Une saga en cinq volets dont le premier commençait en août 1914, à l’heure de la mobilisation, quand le jeune Mattéo, fils d’un anarchiste espagnol disparu en mer, échappa à l’embrigadement en sa qualité d’étranger. Dans ce deuxième album, Mattéo revient d’Espagne où il a combattu dans les rangs des anarchistes. Il rentre à la maison, près de Collioure, où il retrouve sa vieille maman qui dissimule son émotion derrière un chapelet de reproches. Il profite de son séjour pour revoir Juliette, la jeune femme qu’il aime, recueillie par la famille de Brignac depuis l’âge de trois ans. Les de Brignac, ce sont les notables du coin, ceux qui possèdent les terres, et pas seulement : « les vignes, les maisons, les gens, leur travail », tout leur appartient. De quoi nourrir la conscience politique du jeune Mattéo qui a depuis longtemps choisi son camp : celui de la révolution et du combat à mener pour bâtir un autre monde. Un monde où l’injustice, l’exploitation sociale et la misère n’auraient plus droit de cité. Dans ce nouvel album, Mattéo quitte à nouveau la France. Direction la Russie, où la révolution est en marche du côté de Petrograd et où Mattéo, accompagné de son copain Gervasio, est envoyé en mission d’exploration. Il jouera les photographes officiels, chargé de tirer le portrait du nouveau monde en train de naître. Une idée qui ne réjouit guère sa maman, qui lui répond que « si la révolution nourrissait son homme, ça se saurait ». Jean-Pierre Gibrat signe un deuxième tome particulièrement réussi. C’est tout un pan de l’histoire du XXe siècle qui se déroule sous les yeux du lecteur, servi par le graphisme pictural de Gibrat qui ne tombe jamais dans l’effet « chromo » et par une écriture d’une densité exceptionnelle, truffée de formules qui donnent une véritable tonalité littéraire au récit. A Petrograd, Matteo connaîtra quelques désillusions inévitables. Authentique militant, humaniste convaincu, il aura du mal à accepter la tournure des événements et la montée inéluctable d’une violence qui deviendra bientôt la toile de fond du nouveau régime. « Finalement, la révolution, c’est une guerre avec des prétentions d’idées, pas plus », observe le personnage de Gibrat, partagé entre son désir de changer le monde et la volonté de rester fidèle à ses idéaux, lesquels sont mis à mal par la soif de revanche sociale et l’appétit de pouvoir des révolutionnaires. L’épopée contée avec maestria par Gibrat est une authentique fresque en images où souffle le vent de l’Histoire d’un siècle riche en grands événements et en tragédies humaines, que Mattéo fait revivre avec une humanité et un sens du récit remarquables. 1917. Toujours déserteur, venu clandestinement d’Espagne où il s’était réfugié, Mattéo passe à Collioure embrasser sa mère. Nous sommes le 1er août, jour anniversaire de la mort de son père. Le soir même, il revoit Juliette, qu’il tente en vain d’emmener avec lui. Tendre soirée désespérante sur la plage. Le lendemain, Mattéo, accompagné de Gervasio, l’ami de son père, s’embarque pour Petrograd. Après plusieurs semaines de bateau, les deux amis, en mission d’exploration pour le compte des anarchistes espagnols, sont au coeur même de la révolution qui s’embrase. C’est dans une atmosphère de liesse et de joyeuse pagaille que Mattéo et Gervasio font la connaissance de Dimitri et Léa. Le premier est un anarchiste libertaire, la seconde une bolchevique passionnée… Récit romanesque de haute tenue, composé de quatre époques, Mattéo raconte la destinée singulière d’un homme qui, de la guerre de 14 à la Seconde Guerre mondiale, en passant par la révolution russe, le Front Populaire et la guerre d’Espagne, traversera époques tumultueuses et passions exacerbées… Finalement, comme malgré lui, Mattéo sera de toutes les guerres, celles qui auront embrasé les premières décennies du XX? siècle en mettant à mal son pacifisme militant, comme celles qui meurtriront son coeur d’amoureux éconduit.