Mort à la plage

Dans sa préface à La fille dans la Tempête, le précédent recueil de nouvelles de James Cain publié par Bernard Pascuito, François Guérif soulignait l’exploit que constitue le fait d’avoir pu retrouver Death on the Beach, l’ultime nouvelle de James M.Cain que l’on croyait irrémédiablement perdue. Publiée en octobre 1958 dans Jack London’s Adventure Magazine, elle illustre à la perfection la virtuosité de Cain à créer des personnages et des situations hors du commun tout en leur donnant l’apparence de la normalité. Un jeune garçon échappe à la surveillance de sa mère sur la plage. Excellent nageur, il s’éloigne dangereusement. Effrayé par des marsouins venus jouer avec lui. ii se noie. A la nuit tombée, alors que les recherches pour retrouver Gil ont été abandonnées, ce sont les marsouins qui ramènent le corps de l’enfant à sa mère éplorée. Corne Back et Hip Hip the Hippo, publiées en 1934 et 1936 dans Red Book, deux nouvelles plus légères, ont le même protagoniste, un cow-boy devenu acteur. Everything but the truth, qui donne son titre au recueil, est une nouvelle étincelante écrite en 1938, sur le sort d’un jeune garçon qui, par vantardise, s’attire de sérieux ennuis. Two O’Clock Blond et The Visitor ont été publiées plus tardivement. D’abord reporter de faits divers et d’affaires criminelles, James M.Cain (1892- 1977) part pour Hollywood en 1931 et devient scénariste pour les plus grands studios. À 42 ans, il publie son premier roman, son chef d’oeuvre, Le Facteur sonne toujours deux fois, plusieurs fois adapté au cinéma. C’est aussi l’auteur d’Assurance sur la mort, Coups de tête ou l’extraordinaire Roman de Mildred Tierce. C’est encore l’un des maîtres du roman noir dont Albert Camus ne cachait pas qu’il s’en était inspiré pour écrire L’étranger. Grand journaliste, il reste une référence de la littérature américaine. Moins connu pour ses nouvelles, James M.Cain s’impose pourtant comme un virtuose dans cet exercice. Extrait du livre : Mort à la plage Il s’appelait Diego et se dirigeait vers la Playa Washington, une plage dans le nord du Mexique. En partie promenade dominicale, en partie «taxi» en maraude, à la recherche de clients. C’était un beau Mexicain approchant la trentaine, un peu plus grand que la moyenne, le teint café con lèche, de ce rouge cannelle qui caractérise le mestizo, mélange d’Espagnol et d’Indien. Il était vêtu d’un short kaki, d’une chemise de sport, de chaussures bicolores et d’un chapeau en toile marron avec des oeillets. Il sifflait Cielito lindo tout en admirant de temps à autre le magnifique ciel de l’après-midi, mais son attention était surtout fixée sur les indicateurs, en particulier le compteur de vitesse. Même s’ils avaient amélioré l’état de la route, elle n’en était pas moins défoncée. Quand on roulait trop vite, les pneus avaient tendance à chauffer et à éclater. À Matamoras, une petite ville au bord du Rio Grande, sa conduite intérieure faisait office de taxi, mais rien ne la distinguait des grosses guimbardes familiales. À trente-cinq kilomètres de Matamoras, la route s’arrêtait. Il tourna dans un champ et se rangea à côté d’autres voitures, laissant la voie libre aux éternels autocars affrétés pour les fiestas et qui fonctionnent sur le principe de «ça passe ou ça casse». Aux gamins qui l’assiégèrent, il distribua gentiment des sous en cuivre, de la monnaie mexicaine de la grosseur d’un demi-dollar, et au type en costume de coton maculé qui prétendait être le responsable, une pièce de vingt-cinq cents américaine. Puis, la voiture verrouillée, il se dirigea vers les dunes qui donnent à cette partie de la côte son caractère particulier. Hautes de trois à quatre mètres, elles sont faites d’un sable si clair qu’il s’embrase au soleil, réfléchissant tous les rais de lumière. Avec pour résultat qu’elles constituent un écran qui empêche de voir la mer depuis la terre, et la terre depuis la mer.