Que la nuit demeure

– Je suis prête, dit Anne Carlat, d’une voix calme. Prête à mourir ? pensais-je, perdu dans mes angoisses. Ridicule. Je me trouvais ridicule. J’en ai vu défiler des désespoirs dans ce bureau, de drôles de gens, des pauvres types, la vie en mille morceaux. Ces visiteurs obligés, que j’exhortais à la parole, dérangeaient mes nuits parfois. je voulais la vérité, le pouvoir monte à la tête. Certains visages ne me quittent pas. Ceux dont je voulais forcer l’hostilité pour aller chercher ma pitance, en arrachant les mots, tel un rapace qui déchiquette sa proie. Heures enfouies dans les profondeurs du silence. J’ai perdu de mon intransigeance à la mort de Cécile, et depuis ma rencontre avec Anne Carlat. Je n’éprouve aucun plaisir à contraindre quiconque à sa vérité, moi qui ne suis pas capable d’être au plus proche de la mienne…