Train de nuit

Pour ceux qui ont un jour habité aux abords d’une gare, il n’est pas difficile d’imaginer l’effet que procure le passage d’un “train de nuit”, alors que la ville s’étouffe de silence. Bruit et secousses. Un peu l’effet que fera dans la vie du commissaire Tom le suicide de sa fille, sa Jennifer chérie, une brillante étudiante à l’éducation aussi resplendissante que ses formes. Pour atténuer le vacarme de ce monde qui s’effondre, le commissaire veut, au mieux comprendre, au pire trouver un coupable. Et parce que l’inspecteur Mike Hoolihan, “femme de police”, qui n’en est pas à son premier cadavre, a une dette envers lui, elle acceptera de s’acharner, de tenter de découvrir un crime derrière ce que tout désigne comme l’application définitive d’une volonté… Martin Amis s’attaque, avec le génie qu’on lui connaît, au “mystère de la chambre jaune”. Seulement ici, point de détective aux favoris distingués, juste une femme flic qui revient de loin et qui sait de quoi elle parle : “La ville joue en attaque. Nous en défense. Voilà pour l’essentiel.” Dans les méandres d’une enquête sordide, Martin Amis trouve le temps de nous faire peur et de nous faire rire. Mais notre rire a ce petit accent grinçant d’un “train de nuit” zébrant les rails d’un roman brillant. –Hector Chavez Dans ce thriller déroutant par celui qu’on appelle toujours “l’enfant terrible des lettres anglaises”, l’inspecteur Mike Hoolihan, ancienne alcoolique, femme flic un peu rustre de Mount Lee, où l’on déteste “presque tous ceux qui ne sont pas d’Irlande”, raconte non sans grincements de dents ce qui a été pour elle la “pire affaire”. Jennifer Rockwell, fille du commissaire Tom et sour de flics, est incroyablement belle, intelligente, généreuse. Elle mène une brillante carrière d’astrophysicienne et vit depuis quelques années avec un homme de la même trempe qu’elle. Rien, aucun événement, situation, problème ni état d’âme ne peut justifier son suicide que le brigadier chef demande à Mike d’annoncer à la famille ce 4 mars. Il serait plus facile de trouver un meurtrier qu’une cause à cette mort volontaire. A mesure que Mike se perd dans des pistes qui confirment ce qu’elle ne veut pas croire, s’impose à elle le poids peut-être insoutenable du bonheur. Jennifer Rockwell avait tout pour elle: la beauté, l’intelligence, la générosité, l’amour. Le bonheur parfait. Mais aujourd’hui, Jennifer n’est plus qu’un cadavre soumis à la procédure de routine: autopsie physique par le ” charcutier ” de la morgue, autopsie psychologique par Mike Hoolihan, ” femme de police “. Mike en a vu de toutes les couleurs et ne va pas s’en laisser conter. Mais la voilà qui bute sur l’énigme d’une mort qui offre au monde une nouvelle absolument neuve, du jamais vu : toutes les preuves concluent au suicide de Jennifer. Il serait moins difficile de chercher un coupable que de trouver un mobile à cette mort volontaire. Avec ce thriller truqué qui doit plus à Saul Bellow qu’à James Ellroy, Martin Amis, l’enfant terrible des lettres anglaises, réalise un nouveau tour de force.