Cric-Croc, le mort en habit

Cric-Croc, un bandit à tête de mort et en redingote, terrorise Londres. Il vient notamment d’enlever sur scène la ravissante actrice Gladys Faires, alors qu’elle répétait la dernière pièce du populaire dramaturge Périclès Holdon. Pendant ce temps, une bande de truands, versés dans la traite des blanches (de préférence des jolies comédiennes) dans les bas quartiers de Londres, sont éliminés un à un par un justicier fantôme. Le célèbre Harry Dickson pourra-t-il venir en aide à Scotland Yard pour dénouer les liens qui unissent ces deux affaires ? Jean Ray, pseudonyme de Raymond Jean Marie De Kremer (Gand, 1887-1964), tissa sa légende personnelle d’«écumeur de mers», de «flibustier d’un autre âge», de «trafiquant à l’époque de la prohibition». Romancier, il signa Malpertuis. Il fut l’auteur d’un grand nombre de contes qui l’ont conduit à la notoriété lors de la publication des Contes du whisky en 1925. Parmi son oeuvre : La Cité de l’indicible peur, Les Derniers Contes de Canterbury, Le Livre des fantômes, Les Contes noirs du golf. Ses livres ont été traduits en anglais, allemand, espagnol, italien, portugais, japonais, etc. Son oeuvre a fasciné de nombreux cinéastes et a été adaptée à l’écran par Harry Kiimel (Malpertuis) et Jean-Pierre Mocky {La Grande frousse). Ami de Michel de Ghelderode, cette figure hors du commun – il est aussi l’auteur de nombreux ouvrages écrits en néerlandais sous le pseudonyme de John Flanders – tend peu à peu à se confondre avec sa légende. Jean Ray n’en demeure pas moins le maître incontesté du fantastique policier. Voici enfin rééditées ses plus belles aventures de Harry Dickson. Extrait du livre : La menace Qui est Mr Earl ? On ne le lui connaît pas de titre défini mais quand il entre dans un des bâtiments d’un ministère quelconque on voit aussitôt une envolée respectueuse de chapeaux et Mr Earl répond affablement à tout le monde, depuis le plus humble huissier de salle jusqu’au plus hautain chef de division. Mais lorsque Mr Earl se trouve en face d’un des grands manitous, même un ministre, entre les quatre murs d’un bureau, il prend un air d’autorité qu’on n’attendrait jamais de cet homme à la mine d’instituteur de village, à la barbiche grise et aux lunettes. Car Mr Earl, c’est la grande finance. Il représente la Banque, le Crédit, avec toutes les majuscules désirables. Midland Bank, General Settlements. Universal Gold C*… Tout cela, c’est Mr Earl. – Mon cher Earl… commença le secrétaire général de l’Intérieur. – Mon cher secrétaire général, dit Mr Earl en lui coupant la parole, quand aura-t-on arrêté Cric-Croc ? Un profond soupir lui répondit. – À vrai dire, c’est à mon collègue de la Justice qu’il faudrait poser cette question, mais je puis vous répondre, mon cher Earl… – À la façon de tout le monde : Cric-Croc court toujours et continuera à le faire encore pendant longtemps, riposta froidement Mr Earl. Dois-je vous rappeler ses exploits des derniers jours ? – Vingt mille livres sterling enlevées en plein jour à la Midland, murmura le secrétaire. Un camion transportant pour cinquante mille lingots d’or à destination de l’Universal, détourné de sa route, et retrouvé vide sur le chemin de Douvres avec les cadavres de trois convoyeurs. Mr Earl haussa les épaules. – Bah ! je suis homme à supporter cette perte, mais que savez-vous de Miss Landon ? – La dactylo-secrétaire des Settlements qui a disparu ? demanda négligemment le secrétaire. Derrière leurs verres, les yeux de Mr Earl lancèrent un éclair redoutable.